Vos paupières sont lourdes

Quand j'étais enfant, vers l'âge de 6-7ans peut être, la télé familiale est tombée en panne.

C'était encore à l'époque une de ces télés massives à tube cathodique, sans télécommande, MAIS, avec la couleur.

Probablement lassés des gémissement et plaintes de leurs progénitures, mes parents nous on dit à mes frères et moi qu'ils la feraient réparer. Ce qu'ils on fait. 3 ans plus tard.

Ou peut être plus, mes souvenirs deviennent assez flou.

Toujours est il que nous n'étions plus connectés, et bien en peine pour suivre lors des récréations les échanges sur les derniers épisodes "d'Olive et Tom" (comme je pensais que ça s'écrivait à l'époque), et autres dessins animés du club matinal constitué d'une bande de bûcherons grivois présidés par leur joli blonde à grand nez.

Pour être franc ça ne nous as pas marginalisé auprès de nos amis qui s'en battaient les grelots bien fort, d'autant plus que eux n'en étaient pas privés.

Un beau jour l'objet fut donc ressucité par les mains habiles d'un réparateur télé, profession qui aujourd'hui à probablement atteint le statut de fossile dont on doit éventuellement pouvoir contempler les vestiges à Surcouf, magasin qui n'existe d'ailleurs plus... un fossile dans le fossile.

Suite à cette résurrection, je prenais soin pour ma part de suivre une cure de rattrappage en me laissant captiver des heures durant par le flot d'image dont je me délectais goulûment.

Le temps passant, je me suis aperçu que je l'utilisais de plus en plus pour regarder des films, des séries et des reportages, au détriment des programmes télés, jusqu'au jour où j'ai définitivement arrêté de regarder ces programmes.

Aujourd'hui, j'ai bien un écran, mais qui n'est ni câblé ni parabolisé et qui me sert pour regarder des DVD et jouer à des jeux vidéos.

Je dois regarder une à 2 fois l'an un programme télé, généralement lors de vacances où, privilégiés par la présence d'une télé dans la location d'été, couplée à un couchage précoce des enfants, l'envie de nous lobotomiser le cerveau nous pousse ma femme et moi à presser le bouton de la télécommande en l'agitant dans la direction du cyclope rectangle à l'oeil rouge.

Donc c'est assez rare.

D'autant que le peu que je la regarde, je sature vite au vu du niveau des programmes qui me donnent l'impression d'ailleurs de revenir au début des années 2000, voir 1990.

 

Depuis 1 an, au travail, nous avons une télé dans l'espace où nous mangeons. Bien entendu, elle est systématiquement allumée lors des repas, sauf quand je me trouve seul à manger, ce qui est assez rare.

En dehors du fait que je trouve que ça a tendance à appauvrir un poil les échanges entre les convives, le problème majeur que me pose cette boîte à flashs allumée durant les repas est qu'il se trouve que ça tombe au moment des "JT". Et les JT, très franchement, je ne trouve pas que ce soient des fleurons journalistiques.

En parallèle, je me suis mis à écouter la radio durant les trajets en voiture, france inter en l'occurence, pour changer d'une radio locale dont les flashs infos se résumaient à 5mn (de vrais "flash", donc), et dont les infos étaient très locales.

Il y a quelques mois, je me suis senti assez confus. C'était juste une sensation de confusion générale, l'impression de radoter du cerveau.

J'avais du mal à situer mon problème, je me sentais tourner en boucle, j'avais la vague impression de graviter d'un unique point.

Au bout d'une semaine, j'ai réussi à cerner un peu plus ma confusion et mettre le doigt sur la chose qui me gênais. Je réalisais que ces derniers temps, je croyais raisonner librement et largement, volant de sujet en sujet, picorant et butinant de-ci de-là les idées et les réflexions, construisant et allant toujours de l'avant, ALORS que je restais sur place, que je restais circonscrit dans une bulle.

C'est comme si je gravitais autour d'un point, mais que l'ellipse changeait régulièrement et me laissait donc croire que ma trajectoire évoluait vers l'inconnu, dans l'esprit d'un "en avant toute".

Un peu comme si je réalisais que je n'étais pas une superballe rebondissante, vive, folle et libre, mais une balle de jokari.

C'est devenu évident une journée ou j'ai réalisé que j'entendais les mêmes actualités en boucle toute la journée. Le matin à la radio ( 2 fois ), le midi à la télé (1 fois), le soir à la radio (2 fois). Avec bien sûr, les discussions au boulot portant sur les 3-4 actualités tournant en boucle.

Je tournais donc bel et bien en rond, à mener des réflexions autour des sujets redondant que me servaient les médias télé et radio, je m'indignais, me catastrophais donc au grès des faits divers qui survenaient de par le monde.

 

Je me suis demandé ce jour là pourquoi, avec la diversité de médias dont nous disposons aujourd'hui, seulement 3-4 informations revenaient en boucle une journée durant.

Je me suis demandé pourquoi en fait d'information utile on nous servait essentiellement du fait divers devant lesquels tout le monde se contente de s'indigner sans aller beaucoup plus loin. D'autant que l'indignation, ça me rappelle une maxime entendue je ne sais où : "Ces gens qui prennent un air pincé, ça leur permet de se boucher le nez sans y mettre les doigts".

Je me suis demandé aussi ce qu'on peut faire d'autre que s'indigner face un fait divers sur lequel on a aucune emprise.

Je me suis demandé aussi ce jour là si répéter les mêmes thèmes à longueur de journée ne s'apparentaît pas à une forme de propagande.

 

Un midi une collègue m'a demandé où j'ai mangé. Je lui ai répondu que je mangeais devant mon PC pour prendre le temps de m'informer. Elle a rebondit sur le fait divers du môme retrouvé mort et probablement violé. Elle m'a dit que ça la rendait triste.

Je n'ai pas su quoi répondre, je lisais des infos sur des méthodes de construction, et son histoire ne m'intéressait absolument pas.

 

Je n'écoute quasiment plus les informations, je choisis désormais les sujets sur lesquels je veux m'informer.

J'en ai marre de subir en boucle le dernier drame humain, la dernière catastrophe naturelle, de me bouffer dans la gueule tout un tas de faits divers et fléaux face auxquels je suis impuissant.

Je ne saurais pas ressuciter ce gamin mort, je ne saurais pas faire 20 000 km pour aider des gens qui ont subi une crue, je ne vais pas aller me faire vengeance pour un assassinat gratuit, si horrible soit-il. Je trouve ça triste mais ça s'arrête là, j'éprouve plus le besoin de passer à autre chose que de m'arrêter la dessus, il n'y a plus rien à y ajouter. Je ne vais pas être triste à la place des proches, je trouve ça triste et c'est suffisant.

 

L'information n'a-t-elle pas plus d'intérêt si on va la chercher soi même que si on la gobe parce qu'on nous a calé un entonnoir dans le gosier ? Je trouve dangereux cet espèce d'effet loupe que produisent les médias quand ils radotent et ergotent, cet effet qui fait qu'on se focalise sur du 2-3 sujets qui détournent l'attention du reste. Je crois qu'il est plus important de savoir de quoi il retourne sur une loi renseignement, sur un traité transatlantique entre l'europe et les états unis, que de se lamenter en vain sur les faits divers qu'on nous sert à tout va.

 

Certains se plaignent de la pollution, des températures qui ne sont pas de saison, mais est ce qu'ils prennent au moins la peine d'aller s'informer pour essayer de faire quelque chose à leur échelle ?

Certains se plaignent que les politiques les endorment à coup de grand discours, mais prennent-ils seulement la peine de s'informer sur les lois qui sont votées ?

 

La vraie valeur de l'information réside probablement dans sa capacité à informer de faits qui permettent d'accéder à un savoir et faire ainsi grandir les gens, pas à se contenter de susciter de l'émotion.

 

 

 

 

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