Mitakuye Oyasin

Blanc, tout est blanc.

Le ciel a fusionné avec le sol et il n’y a plus ni haut ni bas.

Ne reste que le vent froid et furieux, qui dans une respiration profonde et saccadée se confond bruyamment avec la mienne.

Mon pas de course sur la neige crissante s’accorde et se désaccorde des battements de mon cœur qui me débordent des oreilles, tandis que mon vêtement imperméable, à chaque mouvement de mes bras luttant dans les bourrasques, fait de moi une ombre planant dans une cacophonie de drapeaux claquants.

Les sons s’isolent puis se mélangent dans un fracas qui sature l’espace au point de faire croire au silence.

 

Mon esprit s’évade.

Des voix résonnent, transmises par la dureté des matériaux de la maison, et s’agitent en un puzzle flou, jusqu’à s’ajuster et révéler leur nature radiophonique. Le dynamisme du brouhaha vocal se trouve supplanté par une bataille de chants printaniers avec sa myriade de pépiements et roucoulements, alors que le frémissement de l’eau chaude sur le bord froid de la casserole m’évoque ma mère se servant le thé, accompagné du raclement de la chaise en bois sur le carrelage.

 

Derrière moi un bruit sourd et cadencé me rappelle soudainement au blizzard et la peur hurlante dans mon cerveau provoque mon écart brutal du sentier et l’accélération de ma course.

CE n’est pas derrière moi mais à mes côtés.

Mon affolement se comprime sous ma lucidité, puis implose.

Je regarde de côté et je le vois le temps de quelques foulées, écrasant la neige sous ses sabots dans une légèreté absurde. Nos regards se croisent et déjà il s’éloigne, puis s’efface dans le blanc mugissant.

 

Un nouveau souvenir m’aspire.

Le choc creux des pierres ardentes qui tombent les unes contre les autres, les chants montant dans l’air, tournés vers le grand mystère, le bruissement de cette langue comme une eau résonnant gravement sur les galets.

« Mitakuye Oyasin »

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