Je crois que nous sommes nombreux à nous être une fois retrouvé au milieu d’une pièce, en ayant oublié ce qu’on est venu y chercher.

 

Un jour au boulot, tandis que je venais de renseigner un quidam en quête d’information, je reportais mon attention sur mon bureau et fût soudainement foudroyé par un courant d’incertitude me plongeant dans le néant avec, flottant au milieu, une simple et unique question :

« Qu’est ce que j’étais en train de faire ? »

Le cerveau encore engourdi par son électrisation, mon attention se porta sur mes écrans et je fis machinalement défiler les quelques fenêtres ouvertes.

Non je n’étais pas sur ma boîte mail, pas sur ce document texte entamé, pas sur ces pdfs, pas non plus sur ces tableaux excels, pas sur ce logiciel de gestion des absences, pas sur cette base de données…

Vaseux et l’esprit rouillé je compulsais les différentes tâches sur lesquelles je semblais avoir porté mon attention jusque là, mais sans parvenir à trouver celle que je venais de délaisser pour renseigner mon collègue.

Le réseau interne de messagerie instantanée ? Non.

Les documents papiers étalés sur mon bureau ? Toujours pas.

Puis mon regard fût attiré par mon téléphone fixe dont le combiné reposait à côté de la base. Je le saisi pour le porter à mon oreille et j’entendis la musique d’attente du service Helpdesk.

 

Bon alors c’était pas systématique dans ce boulot mais ça m’arrivait régulièrement d’être soudainement perdu au milieu de nombreuses tâches entamées, qui s’étaient repoussées les unes les autres au motif de leur urgence respective.

Je suis autant intelligent qu’un autre et je m’étais déjà posé la question de ce qui m’amenait à cette situation, je m’organisais déjà en priorisant mes tâches selon le principe « Important-Urgent/Pas important-Urgent/Important-Pas urgent/Pas important-Pas urgent ».

 

En essayant de prendre du recul sur ce genre de situation, outre le fait que depuis quelques temps s’était opéré un glissement de fonctionnement de l’entreprise qui me voyait récupérer de plus en plus de tâches, je me suis rendu compte que j’avais trop de vecteurs d’information et que ces multiples canaux perturbaient parfois la journée durant mon organisation. Le téléphone, le smartphone (appels + appli messagerie), les passages dans le bureau, les mails, la messagerie instantanée pro, les notifs de rappel de tâches récurrentes hebdomadaires, mensuelles etc.

Il était des journées où j’étais contraint de fermer tous les canaux pour avancer dans une tâche. Je me suis rendu compte en faisant le test que la simple organisation (ou réorganisation selon les nouvelles « urgences ») des tâches à réaliser pouvait représenter la majeure partie de ma journée.

La mutliplication des canaux de communication multiplie aussi simplement le nombre d’interruptions dans une journée, et il me faut à chaque fois beaucoup d’énergie pour me concentrer à nouveau sur une tâche et crée une fatigue supplémentaire en fin de journée.

 

Si j’ai trouvé quelques méthodes pour améliorer cette situation, j’ai bien du faire le constat que le simple temps de réalisation de toutes les tâches en cours dépassait celui dont je disposais. De fait, j’étais contractuellement à mi temps mais travaillait plutôt à 60 voir 70 %.

 

Ce que j’ai fait :

- Noté toutes les tâches de ma journée pendant 1 mois et amené le résultat à ma hiérarchie pour étayer le fait que je n’avais pas le temps suffisant pour réaliser l’intégralité de mes tâches.

Je leur ai annoncé que je noterai désormais toutes mes heures supplémentaires effectuées, ce que je ne faisais pas jusque là, et que la charge supplémentaire de travail étant devenue quotidienne, que je ne ferai pas plus de 60 % de temps de travail total, soit pas plus d’1/5ème d’heures supplémentaires.

- Je me suis rendu moins disponible :

° J’ai défini des journées sur lesquelles je travaillais bureau fermé. Les passages sont devenus un peu moins fréquents dans mon bureau.

° J’ai supprimé les appli de messagerie instantanée.

° J’ai réduit mon aide pour des sujets qui ne me concernaient pas directement, pour lesquels j’étais consulté car mon ancienneté me permettait de les résoudre plus facilement (expérience, connaissance des interlocuteurs et mécanismes d’entreprise…)

- J’ai donné des délais plus longs à tous mes interlocuteurs, direction incluse.

- J’ai démissionné au bout d’un an, la charge de travail s’accumulant toujours plus pour le même temps de travail.

 

J’ai un tempérament à vouloir toujours bien faire, à aider, à être disponible pour tous, et il est possible que ça m’ait desservi sur certains points. Cependant, cette situation m’a appris à dire non, et à réaliser que dire non permet autant que dire oui d’être respecté et considéré, parfois même mieux selon les situations. Que, sans entrer pour autant dans la confrontation, dire non permet de poser des limites et de conserver un espace à soi pour pouvoir agir dans de bonnes conditions.

Je crois préférable de savoir marquer un désaccord pour pouvoir fonctionner sur des bases constructives que de prendre sur soi pour les autres.

Défendre son bien être en quelques sorte.

J’ai aussi réalisé que l’on peut dire non et se heurter à l’indifférence de la hiérarchie. J’ai donc également appris à déculpabiliser d’être dans l’incapacité de faire mon travail correctement. On peut reconnaître ses lacunes, essayer de s’améliorer mais il faut aussi savoir reconnaître dans une situation ce qui dépend de nous de ce qui dépend des autres, ainsi que des mécanismes du contexte.

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