Formation, diplômes et réorientation professionnelle

J'ai un parcours pro un peu bordélique, mais ça tient en partie à ce qu'en bon petit citoyen lambda, j'ai écouté et suivi plus ou moins consciemment les grands conseils d'hommes politiques et de chefs d'entreprises qui expliquaient et expliquent encore l'importance que les "Français" soient "flexibles" et s'adaptent au marché du travail (tandis qu'eux sont arc boutés sur leurs acquis... cherchez l'erreur). Ca tient aussi komême à ce que j'ai longtemps erré à chercher le graal d'une "passion" , tandis que tout m'intéressait potentiellement (http://pelmelgrim.over-blog.com/2014/10/passes-ton-bac-d-abord.html), et que les conseillers d'orientation étaient là pour m'aiguiller comme le reste du bétail vers les besoins futurs de l'économie Française, et pas vers un métier dans lequel je puisse m'épanouir.

Bon je crois avoir bien posé les bornes avec cette intro.

 

Mon problème initial a donc surtout été que j'ai suivi les croyances du contexte de l'époque dans lesquelles je baignais du type :

- travailler dur pour gagner beaucoup d'argent et avoir une belle retraite (mouhahaha)

- Les métiers manuels sont le bas de l'échelle sociale

- La réussite c'est avoir une bonne place avec des responsabilités et le salaire qui va avec (on revient au point 1)

- Il faut trouver une passion

- Il faut vite choisir sans se tromper

- L'erreur c'est la mort sociale (en fait non, c'est l'inverse)

- Il faut se conformer à la hiérarchie scolaire/étatique/entrepreunariale pour ne pas faire d'erreur et ainsi s'intégrer dans le moule (donc en gros rester médiocre et pas faire de vagues)

etc

etc

etc

 

Et aujourd'hui, alors que je me reconvertis une nouvelle fois (la flexibilitay on vous dit), je me pose très sérieusement la question de l'intérêt du diplôme dans ma reconversion.

Le marché du diplôme ou de la formation est quand même devenu un secteur très florissant et rentable, et j'avoue que je n'ai pas envie de dépenser mon pognon dans ce système juste pour pouvoir estampiller mon CV d'un macarron censé m'ouvrir hier les portes d'un emploi et aujourd'hui celle du droit de postuler à un emploi (j'ai hâte de savoir l'utilité que ça aura pour demain). Mon parcours me montre bien aujourd'hui les limites que peuvent avoir les diplômes. De plus, j'ai compris que j'apprends bien mieux en faisant, en apprenant sur le tas, quitte à compléter par de l'autoformation théorique ou une formation complémentaire.

Aujourd'hui je me reconvertis dans le maraîchage. Je peux passer un Bac Pro REA (Responsable d'Entreprise Agricole). De ce que j'ai pu avoir comme information en interviewant des personnes qui ont fait cette formation dans la ville près de chez moi, je constate que beaucoup l'ont fait dans un cadre de reconvertion et surtout, l'ont fait pour pouvoir ensuite avoir accès aux aides à l'installation. Autre retours : Très bonne ambiance mais filière toute jeune avec une organisation assez à l'arrache, des profs par encore bien rôdés ou pas très adéquats. 

Du coup je suis moyen chaud et je me tapote le cerveau du doigt.

En vrac, je sais que :

- la valeur d'une personne ne se résume pas à un diplôme.

- je suis plus à l'aise dans l'apprentissage sur le terrain et ensuite faire le pont avec des connaissances théoriques.

- Les cours théoriques dispensent un savoir de base important qui peuvent faire gagner du temps du point de vue organisation.

- Les cours théoriques peuvent être très insuffisants selon l'école/le prof qui fait les cours.

- le diplôme est reconnu par l'état et peut ouvrir des portes financières(pour qui adoooore passer sa vie à monter des dossiers de paperasse pour se coller un crédit ad vitam).

 

Voilà, sachant que j'ai déjà noué des liens avec des maraîchers et que je commence à bosser assez sérieusement avec l'un d'eux. Je suis en démarche pour formaliser par un stage via pole emploi. 

Un stage "d'immersion" de pole emploi c'est à priori une semaine maximum et je suis en pourparler avec la conseillère qui m'est affectée pour pouvoir faire un mois, histoire de m'immerger un peu plus haut que les chevilles. Elle doit en "référer à son responsable" m'a t-elle dit et comme je ne connais que trop la rigidité des structures pyramidales et leur capacité à ôter tout sens de l'initiative et diluer la responsabilité de chacun pour qu'au final personne ne soit responsable de rien, je suis assez dubitatif. J'espère que les dominos sont bien alignés et que ça va tomber propre pour me faciliter mon chemin. Je vais faire en sorte. La plupart des personnes me semblent de bonne volonté, je crois vraiment que c'est la structure qui leur ôte parfois/souvent entrain et bon sens.

 

Voilà concernant le chemin, et maintenant me direz vous peut être, pourquoi maraîcher ?

Pourquoi après commercial, maçon, boulanger, assistant RH, maintenant maraîcher ?

Parce que déjà durant mes cinq années à mi temps j'ai pu avoir du temps pour moi et réfléchir pas mal, j'ai appris à mieux me connaître, mes compétences, mes atouts, mes faiblesses, ce que j'aime bien faire, identifier mes croyances limitantes, mais aussi élargir ma vision de notre société, de ses mécanismes et des futurs potentiels vers lesquels nous voguons. Et si j'avais la fibre écologique depuis bien longtemps, je SAIS aujourd'hui pourquoi maintenir nos écosystèmes viables est un impératif (du moins si on à l'objectif de couler des vieux jours pas trop trop pourris) et je SAIS ce qu'implique notre mode de vie en terme d'extraction, d'exploitation, de déstruction. J'ai compris qu'on est en train d'utiliser les planches du fond du bateau pour chacun s'aménager une jolie cabine personnelle voir essayer de construire une fusée, mais que les matériaux sont limités, que chacun essaye de s'accaparer les meilleures planches pour SON petit projet sauf que ceux qui ont les plus belles cabines veulent pas revoir leurs besoins à la baisse, ceux qui sont en fond de cale les pieds dans l'eau veulent la même cabine que les premiers qui s'exposent en symbole de réussite, et que surtout, surtout, on est pas en cale sèche mais au milieu de l'océan...

Donc il me paraît important d'être parmi ceux qui essaient de mettre des planches de côté pour faire une barque de secours. La plus grande possible.

Bref, pour être clair, avant la crise covid je pensais retourner dans le bâtiment pour faire de la construction "naturelle" à base de terre crue et de paille, mais avec la tempête économique qui s'approche et le big bang climatique qui se profile, il me semble plus viable et vital de nourrir et la terre et les hommes. C'est peut être très "bisounours" comme objectif, mais à ma connaissance, aucun connard du CAC 40 ne sait marcher sur un arc en ciel, donc ça me va. Et puis au moins je saurais faire à bouffer et potentiellement nourrir ma famille, ce qui sera déjà ça de pris à défaut de ramener de l'argent.

Dans tous les cas retourner dans un gros groupe ne me fait plus du tout envie, tant l'inertie et le conformisme qui y règnent m'en ont dégouté, et persuadé que pour agir en ayant une réelle emprise sur les choses, ce n'est pas de ce côté qu'il faut compter. J'ai le besoin fondamental d'avoir un vrai sens à ce que je fais et que ça s'inscrive dans mes valeurs et la vision du monde vers lequel je veux tendre.

S'est posée à moi la question de la perte de confort avec des horaires qui vont exploser (j'étais à mi temps) et un salaire qui va baisser au mieux de moitié. Donc moins de ressources financières, moins de temps pour moi, pour ma compagne, mes enfants. Mais en face, le plaisir de faire un boulot varié, qui me ressource (même s'il est fatiguant), qui est utile, qui créé du lien et de la proximité, qui me permet de travailler proche de chez moi donc limite le facteur temps sur les trajets (auparavant 2h30 à 3h00 pour 4 jours travaillés). Quant à l'argent, si on met de côté qu'il n'a de valeur que celle qu'on lui donne (cf les tombereaux d'argent injecté par la banque centrale soit 4000 de putains de milliards de putains d'euros rien qu'entre 2011 et 2017), plus aucun actif financier n'est sécurisable à quelque terme que ce soit, donc inutile de se faire chier à trop mettre de côté si c'est pour le perdre.

Côté usure physique du bonhomme, quitte à finir dans un monde tout pété, autant en avoir profité. Avoir une vie plus courte sera peut être même un privilège.

 

Bref, je me suis posé, j'ai évalué les pour les contres, cherché à me comprendre pour savoir ce qui me parle, et testé pour définir si le rêve reste dans la catégorie rêve, où si je me vois le faire basculer en une réalité.

Et surtout, j'ai réalisé un truc important : je peux me planter, mais rien ne s'arrêtera là pour autant. J'ai désormais confiance en ma capacité à rebondire et m'adapter.

 

 

 

 

 

 

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